OHM

Projets 2013


Paysages, changements environnementaux et politiques territoriales dans le Vicdessos. Observations, histoire et évalutions

Porteur du projet : Bernard Davasse bernard.davasse@bordeaux.archi.fr

Structure de rattachement : CEPAGE (Centre de recherche sur l’histoire et la culture du paysage), ADES-UMR 5185/CNRS-Université de Bordeaux et École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux

Web :http://www.bordeaux.archi.fr/index.php?/recherche/cepage/cepage/id-menu-57.html

Participants au projet :

  • Briffaud S., historien, maître-assistant
  • Carré J., paysagiste, postdoctorante en géographie
  • Davasse B., géographe, maître-assistant
  • Henry D., paysagiste, postdoctorant en géographie
  • Rodriguez J. F., architecte, doctorant en géographie

 

Problématique et objectif général

La question des temporalités est aujourd’hui devenue centrale pour appréhender les systèmes environnementaux et territoriaux. Une histoire singulière, marquée par le poids de la métallurgie du fer, puis de l’électrométallurgie, dont les paysages portent à l’heure actuelle des traces durables, fait du Haut Vicdessos un territoire-laboratoire exemplaire en ce domaine. Aujourd’hui comme dans le passé, s’y condensent à la fois des initiatives, individuelles ou collectives, positives et novatrices, et des conflits ou des blocages puissants. Il y est possible, d’une part, d’identifier les différentes modalités historiques de gestion des ressources, ainsi que les pratiques sociales associées, tout en en mesurant les conséquences sur les environnements et les paysages et, d’autre part, d’évaluer les réponses apportées par les sociétés aux crises environnementales (ajustements, innovations, conflits, etc.). Tout cela est susceptible d’éclairer une prise de décisions qui, dans une perspective de développement durable des territoires, examinerait une ou plusieurs trajectoires, souhaitées et soutenables, des rapports milieux/sociétés, dans un contexte de haute complexité et de grande incertitude.

L’objectif général du projet est donc d’engager une observation, dans la durée, qui s’intéresse aux évolutions paysagères en lien avec les différentes politiques environnementales et territoriales qui ont été menées dans le passé, qui sont en train ou dont il est projeté qu’elles soient mises en œuvre dans le Vicdessos. Une des originalités du projet est de s’intéresser aux représentations sociales. Il s’agit de construire une observation, qui ne soit pas seulement fondée sur la matérialité des environnements et des paysages, mais qui prenne également en compte les sensibilités et les aspirations des acteurs et des populations et de les confronter aux processus étudiés sur le terrain.

 

Objectifs pour l’année 2013

Fort des acquis des années précédentes qui ont été rassemblés dans un article paru dans le n°33 de la revue Sud Ouest Européen dédié aux Observatoires Hommes-Milieux, nous avons choisi pour l’année 2013 de nous recentrer sur une analyse intégrée, qui vise à étudier dans la durée les relations entre le paysage, considéré à la fois comme structure matérielle, construction symbolique et objet de politiques, et l’exploitation de la ressource hydroélectrique et les aménagements associés (usine, centrale, barrage, aqueduc, conduite forcée, etc.). Ce recentrage présente un double intérêt :

(i) il permet, d’une part, de vérifier l’hypothèse selon laquelle le développement de la « houille blanche », à partir du début du XXe siècle, a joué un rôle essentiel dans l’évolution contemporaine des territoires montagnards et dans l’émergence d’une préoccupation « paysagère », ce qui se traduirait à l’heure actuelle par des représentations culturelles particulières, décisives au moment de vivre, de pratiquer et de gérer l’espace, et par des controverses socio-spatiales spécifiques, orientant les politiques menées au nom du développement local, de l’environnement ou du tourisme en particulier. Ainsi, dans le Vicdessos notamment, la question hydroélectrique aurait-elle conditionnée, bien au delà du simple aménagement des infrastructures hydro-électriques, la façon dont on y a exploité les ressources environnementales, envisagé le développement territorial et posé les questions touristiques, patrimoniales et paysagères tout au long du XXe siècle.

(ii) ce recentrage permet, d’autre part, d’articuler le présent projet avec les recherches qui sont en train d’être menées par quatre équipes européennes, dont le CEPAGE/ADES et à son initiative, sur le thème « Ressources paysagères et ressources énergétiques dans les montagnes sud-européennes » dans le cadre du programme interdisciplinaire « Ignis mutat res. Penser l’architecture, la ville et les paysages au prisme de l’énergie » piloté conjointement par le Ministère de la culture et de la communication (MCC), le Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL) et l’Atelier international du Grand-Paris (AIGP).

L’intérêt de la vallée du Vicdessos est qu’elle permet d’appréhender toutes les phases de l’histoire de l’aménagement hydroélectrique en montagne. Elle fut, en effet, équipée dès le début du XXe siècle, à l’initiative de l’un des fils d’Aristide Bergès, « père » de la houille blanche dans les montagnes françaises. Les principaux barrages y ont été réalisés au cours des années 1930 et 1940. Le plus important, celui de Soulcem, a été construit plus tardivement —il n’est mis en eau qu’en 1985—, à la suite de la vive opposition des élus locaux qui ont refusé pendant plusieurs décennies de laisser ennoyer les meilleurs pâturages de la région. La production d’aluminium étant définitivement arrêtée, l’électricité produite alimente aujourd’hui le seul réseau national d’EDF. Quant aux lacs de barrages et aux aqueducs, ils constituent des lieux privilégiés d’une pratique touristique en forte expansion. Cette montée en puissance des activités touristiques est la conséquence du choix fait par les élus locaux d’asseoir le développement local sur un tourisme montagnard sportif et de nature à la suite de la fermeture de l’usine métallurgique. Pour eux, il s’agit, pour l’instant et pour le futur, du seul levier à même de procurer les ressources financières suffisantes pour maintenir le système socio-économique local. Analyser ce choix et la façon dont y est, à l’heure actuelle, mobiliser la « ressource paysagère » constitue l’objectif principal du présent projet de recherche.

Bibliographie :

  • BRIFFAUD S., HEAULMÉ E., ANDRÉ-LAMAT V., DAVASSE B., SACAREAU I., accepté, The nature of resources. Conflicts of landscape in the Pyrenees during the rise of hydroelectric power, dans M. Frolova-Ignatieva, A. Nadaï (éd.), Renewable Energies and European Landscapes : Lessons from Southern European Cases, Springer Ed. (à paraître en 2013)
  • CARRÉ J., 2010, Le temps des paysages. Evolutions paysagères et gestion durable des territoires en montagne pyrénéenne (hautes vallées du gave de Pau et du Vicdessos), Thèse de Géographie-Aménagement, sous la direction de Métailié J-P et de B. Davasse, Toulouse, Université Toulouse-Le Mirail, 2010, 477 p.
  • DAVASSE B., MÉTAILIÉ J.P., CARRÉ J., GALOP D., 2011, Le paysage dans tous ses états. 30 ans de recherches et d’actions publiques dans les Pyrénées, dans Bertrand G. et S. Briffaud (éd.), Le Paysage : retour d’expériences entre recherche et projet (Les rencontres de l’abbaye d’Arthous, 9-10 octobre 2008), pp. 85-90 [http://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00775880]
  • DAVASSE B., BRIFFAUD S., CARRÉ J., HENRY D., RODRIGUEZ J.-F., 2012, L’observation environnementale au prisme du paysage. Dynamiques paysagères, actions territoriales et représentations socio-spatiales contemporaines dans le Haut-Vicdessos (Pyrénées, France), Sud Ouest Européen, n°33, pp. 57-68
  • RODRIGUEZ J.-F., 2012, Paysages de l’hydroélectricité et développement touristique dans les Pyrénées. De la ressource naturelle au patrimoine culturel, Revue de géographie alpine/Journal of Alpine Research [Online], n°100-2 [http://rga.revues.org/1805]