OHM

Projets 2013


FODYNA 1 : FOrêts passées, DYnamiques et processus de recolonisation à travers l'étude des activités miNières et métAllurgiques historiques du Haut-Vicdessos

Responsable : Vanessa Py (GEODE UMR 5602)

Participants :

  • Bruno Ancel (Service Culturel Municipal de l’Argentière-La Bessée et TRACES UMR 5608 )
  • Sandrine Baron (TRACES UMR 5608)
  • Raquel Cunill Artigas (post-doctorante GEODE UMR 5602)
  • Jean-Paul Métailié (GEODE UMR 5602)
  • Sandrine Paradis-Grenouillet (GEOLAB UMR 6042)

Mots clés : Cycles miniers et métallurgiques, caractérisation des exploitations, systèmes techniques, trajectoires évolutives des espaces forestiers

La vallée du Haut-Vicdessos est caractérisée par la superposition d'un territoire artisanal (minier et métallurgique) sur un territoire agropastoral, et cela probablement dès l'Antiquité (voire la Protohistoire). L'exploitation de minerais de plomb et de cuivre argentifères est attestée par les textes au Moyen Âge, mais une exploitation antérieure (Protohistoire, Antiquité) est suggérée par les nouvelles données géochimiques dans des archives environnementales (cf. projet ASTAHE OHM Haut-Vicdessos). En parallèle, l'exploitation et la métallurgie du minerai de fer se développe au Moyen Âge (voire dès l'Antiquité) et se prolonge jusqu'au milieu du XIXe siècle. Consommatrices de combustible à toutes les étapes de leur chaîne opératoire, ces activités ont profondément marqué l'évolution des forêts et l'organisation des pratiques communautaires, agropastorales et artisanales. Une première crise de surexploitation forestière est manifeste au milieu du XIVe siècle. Elle se traduit en 1347-1348 par une transaction originale scellée entre le consul du Vicdessos et le vicomte de Couserans, stipulant que les maîtres de forges du Couserans, en échange de charbon de bois produits dans leurs forêts, pourront importer du minerai de fer du Vicdessos (minerai de Sem). Dans une vallée où le pastoralisme tient une place économique majeure, au moins depuis la fin de l'époque carolingienne, cette crise serait non seulement due à la superposition et à l'intensification des activités minières et agropastorales, mais aussi à l'arrivée de la technologie des moulines au début du XIVe siècle (Verna 2001). En parallèle au système de troc mis en place avec la vallée voisine, elle conduit à un nouveau mode de gestion des forêts fondé sur la création de réserves. Les données archéologiques et anthracologiques acquises jusqu'à présent constituent des jalons sur lesquels s'appuyer (Dubois 1992, Davasse 2000). Or, sur l'aire de l'OHM, ils ne sont pas suffisants pour apprécier les origines de l'exploitation minière et métallurgique, son essor et son évolution vers l'instabilité et la crise forestière. Une prospection archéologique et géologique de terrain s'impose, en particulier dans le secteur délimité par le site des anciennes mines d'Argentières, le Port de l'Hers, Bassiès et Sud-et-Sentenac pour lequel nous disposons déjà de données palynologiques et géochimiques (projets DYVAH et ASTAHE OHM Haut-Vicdessos, ANR MODE RESPYR).

 

L’enquête de terrain s’articule en trois volets :

    1. La relecture archéologique des mines polymétalliques de montagne (en particulier Les Argentières et Lacore) avec le prélèvement de minerais en place, éventuellement datés, et de biofacts (charbons de bois et bois) ;
    2. L’analyse spatiale et bioarchéologique des charbonnières qui constituent les vestiges carbonisés des anciennes forêts ;
    3. L’étude pédoanthracologique des sols associés aux espaces miniers et charbonnés.

     

    Cette approche pluridisciplinaire vise à acquérir de nouvelles données pour dater et caractériser plus finement les activités minières et métallurgiques (phases antérieures au Moyen Âge, différentes phases médiévales, phases modernes et contemporaines). Parallèlement, elle examine les forêts exploités (localisation, étendue, composition, morphologie) et leur évolution au fil des siècles. Il s'agit notamment de saisir les trajectoires historiques des dynamiques spatiales forestières et de proposer une nouvelle grille de lecture pour décrypter la combinaison de facteurs à l'origine des phénomènes de repli et de recolonisation des versants. En outre, elle cherche à identifier l’impact du charbonnage et des activités minières sur les assemblages de charbons dans les sols.

     

    Les objectifs du projet FODYNA sont :

    1. Obtenir une chronologie serrée des cycles miniers et métallurgiques anciens, modernes et contemporains et comparer les données archéologiques avec les résultats géochimiques du programme ASTAHÉ ;
    2. Constituer une base de données isotopiques du plomb datées car en lien direct avec les sites miniers et métallurgiques (minerais, haldes et ateliers) et comparer les données à celles des enregistrements sédimentaires ;
    3. Restituer les forêts passées, leur étendue, leur morphologie, leur état, leur composition et leurs relations dynamiques avec les modalités d'exploitation artisanale et industrielle ;
    4. Mesurer l’impact des activités minières et métallurgiques sur la composition en charbons de bois des sols ;
    5. Aborder la complexité et l'hétérogénéité de la limite supérieure des forêts grâce à l'étude des espaces charbonnés et déterminer si la remontée altitudinale des forêts est un indicateur fort des changements climatiques ou le résultat du changement profond des pratiques agropastorales, artisanales et industrielles ;
    6. Proposer de nouvelles clés pour mieux anticiper les processus de recolonisation forestières actuels et futurs.
    Les objectifs du projet sont ambitieux car ils sont projetés sur une programmation pluriannuelle.

     

    Campagne de terrain 2013

    Site atelier 1
    Les Argentières, étang de Labant, Port de Saleix (Commune d’Aulus-les-Bains) : un espace de connexion et d’échanges entre le Vicdessos et le Couserans

    Le premier site atelier étudié est localisé dans le Couserans, pays qui était la vicomté de Couserans au Moyen Âge. Il se situe aussi dans une espace marginal, frontalier, très lié au Vicdessos au moins depuis le Moyen Âge. À cette période, mais probablement dès avant, ses ressources naturelles, minerais, eaux, forêts, prairies et pâturages, ont été exploitées et mises en valeur par les communautés d’habitants. Ce petit terroir agropastoral et minier, voisin des célèbres mines de Castel-Minier et de sa mouline, connecté au Vicdessos, en particulier par le Port de Saleix, est finalement peu documenté par l’archéologie. De plus, les textes sont très lacunaires pour les séquences antérieures à l’époque moderne (les textes médiévaux concernent surtout le Vicdessos). Même le rapport de la Réformation des forêts de 1669 n’apporte pas d’information précise en raison du manque de coopération des habitants. Les modalités d’exploitation et de gestion de ce terroir avant le XIVe siècle en particulier à des fins artisanales et industrielles, sont finalement mal connues. Il en est de même de la genèse de l’accord qui a scellé le destin du Couserans et du Vicdessos. Parallèlement, la palynologie cerne en filigrane des phénomènes d’anthropisation dès la Protohistoire (Galop et Jalut, 1994 ; Galop, 1997). La question de l’exploitation pré-médiévale des gisements métallifères doit notamment être élucidée avec certitude. L’apport conjoint des études géochimiques et archéologiques devrait nous permettre d’éclaircir ce point. En outre, retrouver et analyser des places à charbonnage antérieures et contemporaines de la législation des forêts, vise à appréhender de façon pertinente le lien entre cette activité et les dynamiques spatiales forestières. En parallèle, les analyses anthracologiques et dendrologiques doivent caractériser la richesse et la diversité des pratiques que le passage à l’écrit a forcément fossilisées. Cette zone d’étude, bien que marginale par rapport au cœur du territoire exploré par l’OHM, n’en demeure donc pas moins d’une importance scientifique majeure pour l’histoire des relations hommes/milieu dans le haut Vicdessos et ses abords. Les premiers résultats de l’enquête préliminaire historique et archéologique menée dans le cadre du PCR « Mines, métallurgie et forêts dans les Pyrénées ariégeoises de l’Antiquité au Moyen Âge » (1991) constituent une première base de recherche. En particulier pour l’étude des places à charbonnage et des dynamiques spatiales forestières diachroniques. Les données sur les mines sont par contre très maigres. En amont de la mission réalisée en septembre 2013, leur étude a impliqué une reprise complète du dossier historiographique. Sur le terrain, la prospection pédestre vise à une spatialisation des espaces artisanaux et industrielles : cartographie des charbonnières et des ateliers (levé GPS et intégration des données dans un SIG) et relevés topographiques de tous les vestiges miniers accessibles. Un premier échantillonnage des minerais retrouvés dans les déblais miniers et dans les travaux a été réalisé. Parallèlement des sondages pédologiques ont été réalisés sur les places à charbonnage (31 inventoriés à ce jour) et leurs abords pour une analyse anthracologique et pédoanthracologique préliminaire (3 fosses en cours d’étude) et leur datation radiocarbone.